Bref rapport sur le premier forum de la soci ?t ? civile UE-Afrique

lundi 15 novembre 2010,par Jean Bosco Nzosaba

Organisé un peu en catastrophe pour précéder le Sommet UE-Afrique, prévu à la fin du mois en Libye, ce forum s’est tenu au Caire du 8 au 10 novembre. Ceci explique sans doute que des 60 participants espérés, seule une bonne trentaine avait fait le déplacement : 20 du côté africain, 10 du côté européen, représentant essentiellement le secteur des ONG de développement. Etaient ainsi présents les plates-formes allemande, belge, britannique, finlandaise, hongroise, maltaise, les réseaux Aprodev et CBM ainsi que les Fondations DSW et Rosa Luxemburg). Le forum s’est déroulé sous l’œil attentif de représentants des Commission européenne et africaine qui l’ont soutenu financièrement. Malgré diverses demandes, il n’a pas été possible d’obtenir ni avant, ni pendant le forum la liste des participants africains, ni des informations sur le processus qui avait présidé à leur sélection. Il faut espérer que cette liste sera disponible prochainement. Mais il semble fort probable qu’à une exception près, les délégués africains étaient tous des membres du Comité Economique, Social et Culturel de l’Union Africaine (l’ECOSOCC). Ils étaient très majoritairement anglophones (sauf les représentantes algérienne, tunisienne et congolaise ainsi que le représentant burundais). Le communiqué final revendique d’ailleurs pour l’ECOSOCC une place centrale dans le processus.

Deux points étaient à l’ordre du jour : la structuration du dialogue entre les sociétés civiles des deux continents, d’une part, la préparation du Sommet de Tripoli, d’autre part.

1- structuration du dialogue : c’est certainement le point qui a le plus animé les débats. On se trouve en effet devant deux configurations différentes : en Afrique, le comité de pilotage mis en place par la société civile pour assurer sa participation à la stratégie UE-Afrique est significativement encadré par le Comité Economique, Social et Culturel de l’Union Africaine, même s’il est censé accueillir des organisations non membres de ce dernier ; en Europe le comité de pilotage, par contre, est un regroupement encore assez informel d’organisations représentant 8 secteurs de la société civile : ONG de développement, fondations politiques, syndicats, organisations environnementales, de paix, de jeunes, de défense des Droits humains et de la diaspora. Elles ont, pour la plupart, leurs propres partenaires en Afrique qu’elles souhaitent associer au processus Ce dernier point suscite certaines susceptibilités du côté de l’ECOSOCC africain qui voudrait sur la stratégie être le seul interlocuteur. De même, un clivage apparaît entre celles et ceux qui donnent priorités à une approche politique sur des thèmes d’intérêts communs aux deux parties et d’autres qui souhaitent une approche plus technique d’une stratégie axée essentiellement sur le développement de l’Afrique. Tout cela impliquera un « apprivoisement mutuel  » dans les mois qui viennent. Mais aussi une définition des moyens. La stratégie elle-même n’a en effet pas de ressources spécifiques et les Commissions (européenne et africaine) doivent puiser dans d’autres budgets pour soutenir la participation de la société civile. Elles devront mettre en place des mécanismes plus permanents. D’autant plus que l’idée de la réalisation d’un forum annuel, d’un comité de pilotage commun et de groupes de travail thématiques a été avancée. Ces propositions doivent néanmoins encore être discutées dans chaque continent et aucune décision formelle n’a été prise à ces sujets. . 2- préparation du Sommet : de longs et intéressants débats se sont déroulés sur les 8 partenariats thématiques mis en place par la stratégie, à la lumière du projet de plan d’actions qui sera présenté au Sommet de Tripoli. Les idées et recommandations issues de ces débats ont alimenté la rédaction d’une déclaration qui devra encore être approuvée par les deux comités de pilotage. Il est cependant apparu que tous les participants, africains comme européens, partageaient des préoccupations fort semblables en vue de faire de la stratégie un processus centré réellement sur les attentes des populations et la lutte contre la pauvreté. Cette déclaration a débouché sur un communiqué, approuvé en fin de séance par les participants. Il se trouve en annexe (une version en français suivra) et devrait être présenté au Sommet. Le communiqué se félicite des engagements pris par les Etats concernés en vue de concrétiser l’esprit d’un partenariat centré sur les gens tel que porté par la stratégie mais souhaite voir se dégager plus de moyens à cet effet, plus particulièrement pour assurer une participation pleine et entière de la société civile. Cette dernière appelle d’ailleurs les Etats à accroître l’espace qui permette sa pleine participation comme acteur clé de la stratégie. Le communiqué renvoi à une déclaration présentant certains points-clés sur les thématiques portées par les partenariats. Il s’agira maintenant d’identifier dans les deux continents deux personnes chargées de porter ces documents au Sommet de Tripoli.

Conclusion :

Si le forum a permis d’intéressants débats sur les partenariats et le lancement d’une dynamique d’échanges entre sociétés civiles africaine et européenne, il a aussi soulevé des questions à rencontrer absolument dans les mois qui viennent :

a) la nécessité de structurer plus efficacement et dans une plus grande clarté les processus de mobilisation de la société civile dans chaque continent. Ainsi du côté européen, la faible participation au forum mais aussi la place à réserver aux partenaires traditionnels des diverses composantes du comité de pilotage méritent une attention particulière. La même transparence doit être attendue du côté africain. La précipitation dans laquelle s’est organisé le Forum du Caire peut expliquer le caractère parfois peu formel qu’ont revêtu sa préparation et réalisation. Mais l’appropriation et la transparence qui doivent caractériser les échanges entre sociétés civiles des deux continents ne peuvent se satisfaire de ce processus aussi flous. b) La définition d’un programme de travail conjoint sur le deuxième plan d’actions, basé sur la réflexion des deux comités de pilotage mais impliquant un nombre croissant d’acteurs dans les deux continents. Les comités de pilotage, mieux structurés, devraient s’engager à intéresser de plus en plus d’organisations de la société civile. Il en va de leur représentativité et crédibilité. Leur rôle doit être de faciliter les échanges entre les deux continents, non de s’y substituer. En ce sens, le cadre des partenariats doit être réfléchi conjointement c) L’obtention des moyens nécessaires à une participation efficace. Il ne peut être décidé de réunions, ni de groupes de travail conjoints si les financements indispensables ne sont pas assurés. Les deux commissions (africaine et européenne) se sont montrées ouvertes à ce sujet. Mais cela renvoie aussi à la responsabilité des acteurs de la société civile de mener un processus inclusif et transparent qui permette une participation réelle d’un nombre croissant d’acteurs.

Gérard Karlshausen

CNCD/Plate-forme belge, CONCORD

 

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