Unies, les ONG burundaises excellent en plaidoyer

vendredi 25 février 2011,par Jean Bosco Nzosaba

Les rares associations burundaises, qui sont efficaces sur le terrain, savent s’allier pour mener des plaidoyers efficaces qui contraignent les autorités à agir. C’est la force des Ong du Burundi que met en avant l’indice de pérennisation des ONG en Afrique subsaharienne, publié en novembre dernier par l’Agence américaine pour le développement international (USAID).

Le 28 janvier dernier, le ministre burundais de l’Intérieur, Édouard Nduwimana, a réhabilité le Forum des organisations de la société civile (Forsc) dont il avait annulé l’enregistrement en novembre 2009. C’est l’aboutissement de plusieurs mois d’intenses négociations entre l’autorité et les leaders d’associations burundaises réunis pour défendre le droit d’association. Leur synergie a payé cette fois-ci encore. Selon un rapport publié en octobre dernier par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) sur "l’indice de pérennisation des Ong en Afrique subsaharienne", les quelques associations burundaises visibles sur le terrain sont aussi efficaces ensemble pour mener à bien des plaidoyers. "Pour les organisations de la société civile, un plaidoyer mené en synergie a plus de chance de changer les choses qu’une campagne en solo, même quand elle est prolongée", indique Anaclet Ndimubandi, défenseur des droits humains. Nombreuses sont déjà les batailles gagnées grâce à cette stratégie collective.

Des batailles gagnées À plusieurs reprises, le pouvoir a été acculé à reconsidérer des dossiers controversés ou à prendre au sérieux les alertes de ces organisations. Ainsi, depuis l’année dernière, une dizaine d’associations se sont alliées pour pousser le gouvernement à revoir à la hausse le budget alloué à l’agriculture afin de se conformer à la convention de Maputo (10% du budget national consacré à l’agriculture). Pour 2011, cette part est passée de 3 à 6%. Par ailleurs, le 18 février les autorités burundaises ont annulé, la décision de scinder en deux entités autonomes et indépendantes, la Régie de production et de commercialisation de l’eau/électricité (Regideso). Ceci à la suite du tollé de protestations des organisations de la société civile qui redoutaient une flambée des prix de l’eau et de l’énergie. Le dossier opposant le grand pétrolier Interpetrole à l’État du Burundi, qui concerne un manque à gagner de plus de 32 millions de dollars, a aussi été déterré. Il est revenu devant la justice le 18 février à la suite des pressions exercées par les associations de lutte contre la corruption et les malversations économiques. Ces dernières ont fourni des preuves des irrégularités entourant le dossier classé sans suite au mois de janvier dans des conditions jugées obscures. Une autre action remarquable concerne la campagne "Justice pour Ernest Manirumva", du nom de l’ancien vice-président de l’Observatoire de lutte contre la corruption et les malversations économiques (Olucome), assassiné la nuit du 8 avril 2009. La pression populaire, accompagnée de la mobilisation d’une dizaine d’organisations, a forcé le pouvoir à enquêter sur ce meurtre et à demander l’appui de la police américaine (FBI).

S’allier aux médias pour faire mouche Le rapport américain le souligne sans équivoque : l’efficacité de l’action des Ong est sans conteste tributaire de la collaboration avec les médias, en particulier privés, qui la relaient constamment. "Les organes de presse travaillent en synergie avec les Ong pour aborder des problèmes spécifiques revêtant une importance pour la vie de la nation", indique-t-il. Pour accroitre leur visibilité, les Ong s’approchent des médias dont elles constituent une source d’informations. "Les deux parties ont besoin l’une de l’autre : les médias travaillent sur la base des données offertes par les Ong et ces dernières atteignent la population et les décideurs grâce aux médias", explique André Ndayirukiye, journaliste. Reste, cependant, que cette collaboration se manifeste essentiellement sur des dossiers chauds et sensibles. De 1990 à 2010, le ministère de l’Intérieur a enregistré 4 000 associations. Cependant, ce rapport révèle un réel problème de fonctionnement. "La plupart des ONG fonctionnent mal et leur personnel permanent ne fait preuve d’aucune gouvernance démocratique et manque de professionnalisme", lit-on dans le document. Rares sont de fait les associations burundaises (5%) qui disposent d’un personnel permanent. "Très peu d’associations ont une couverture nationale ou même régionale ou possèdent des bureaux, un équipement et du personnel".

(Syfia Grands Lacs/Burundi)

 

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