Cap sur le sommet des pays de la r ?gion des Grands Lacs consacr ? au d ?ploiement d’une force militaire internationale "neutre.

lundi 10 septembre 2012,par Jean Bosco Nzosaba

Le sommet des pays de la région des Grands Lacs consacré au déploiement d’une force militaire internationale "neutre" dans l’Est du Congo-Kinshasa s’est achevé sans que les participants se soient mis d’accord, ont indiqué dimanche des officiels africains et des analystes au lendemain de la clôture de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). La situation s’est tendue dans la région avec l’apparition du Mouvement du 23-Mars (M23), qui regroupe d’anciens supplétifs de l’armée congolaise dans l’Est du pays et que Kinshasa soupçonne d’être soutenu par le Rwanda. Ces Tutsis, mobilisés autrefois par Kinshasa pour lutter contre les rebelles hutus rwandais dans la région sous la bannière du Conseil national pour la défense du peuple (CNDP), se sont révoltés cette année en reprochant au gouvernement congolais de ne pas les avoir intégrés dans l’armée régulière comme le stipulait un accord conclu le 23 mars 2009. Le Rwanda a pour sa part rejeté un rapport onusien l’accusant de soutenir activement le M23, un mouvement dirigé par l’ancien général Bosco Ntaganda, recherché pour crimes de guerre. Les rebelles, qui contrôlent les collines situées à 30km de Goma, ont depuis établi une administration parallèle dans les territoires qu’ils contrôlent. Plus de 200.000 villageois au Nord-Kivu ont été déplacés en raison des combats dans la région, selon l’ONU qui évalue par ailleurs à 57.000 le nombre de Congolais ayant fui vers l’Ouganda et le Rwanda voisins. Au sommet de Kampala, la Tanzanie, le Kenya, l’Angola et le Congo-Brazzaville ont bien proposé de contribuer à la force internationale qui serait déployée dans la région sous l’égide de l’ONU et de l’Union africaine, mais aucun n’a donné de chiffres, alors qu’on évalue les effectifs de cette force à 4.000 hommes. Pour Angelo Izama, analyste politique au centre de recherches ougandais Fanaka Kwa Wote (FKW), ce sommet a simplement servi de mettre en branle l’ébauche d’une force internationale. Pour l’heure, "elle est encore une fiction", a-t-il dit. "Sur ces quatre pays, lequel dispose d’une armée sérieuse ? Il ne s’agit pas de maintien de la paix. Là, on parle de faire respecter la paix" dans cette région en guerre permanente depuis vingt ans.

La République démocratique du Congo (RDC) a estimé dimanche que le sommet des pays des Grands Lacs de Kampala n’était "pas un échec", bien que cette nouvelle réunion ait échoué à définir concrètement les contours d’une force neutre pour l’est, en proie à un regain de violences. "Ce n’est pas un échec puisqu’on a déterminé que la force sera sous la direction de l’Union africaine (UA) et des Nations Unies", a déclaré à l’AFP le porte-parole du gouvernement Lambert Mende, relevant aussi "l’offre de la Tanzanie" de fournir des troupes. La rencontre des dirigeants des pays de la Conférence internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) organisée dans la capitale ougandaise était la troisième en deux mois consacrée à la crise en RDC. Samedi, le communiqué publié à l’issue de la réunion apportait encore peu d’éléments sur la future force. Selon le texte, la force serait déployée "sous un mandat de l’UA et des Nations unies" pour faire notamment barrage dans l’est aux mutins se revendiquant du Mouvement du 23 mars (M23), que l’armée affronte depuis mai et que l’ONU et Kinshasa accusent d’être soutenu par le Rwanda voisin, qui dément. Un déploiement de la force est prévu d’ici "trois mois". "Nous pouvons compter sur nos amis rwandais pour qu’ils essaient de faire en sorte qu’il se passe des choses qui empêchent cela", a déclaré Lambert Mende. "Mais nous les en empêcherons. Dans trois mois, la force interviendra", a-t-il martelé. "Trois mois, cela nous amène à la fin de l’année : cela veut dire pour le M23 qu’ils peuvent finir l’année tranquillement", a commenté Thierry Vircoulon, directeur pour l’Afrique centrale du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG), alors que des témoignages accusent les rebelles d’exactions (assassinats, vols...). Début août, les dirigeants de la CIRGL avaient déjà échoué à se mettre d’accord sur la complexe composition de la force neutre. Une solution impliquant la mission de l’ONU en RDC (Monusco) avait les faveurs de Kinshasa, mais Kigali ne cache pas sa défiance envers la force onusienne. Le président rwandais Paul Kagame n’était pas présent à ce mini-sommet. Une absence que Kinshasa regrette : "Naturellement nous aurions souhaité qu’il soit là", mais le "maître d’œuvre" du M23, "qui est le ministre de la Défense (rwandais James Kabarebe), était bien là", a souligné M. Mende, faisant allusion à un rapport de l’ONU mettant en cause ce responsable. Seuls trois présidents ont répondu samedi présents à l’invitation de leur homologue ougandais Yoweri Museveni : le dirigeant de RDC Joseph Kabila, rentré à Kinshasa la mi-journée de dimanche, le Tanzanien Jakaya Kikwete et le Sud-Soudanais Salva Kiir, dont le pays est futur membre de la CIRGL. "Est-ce que la solution va être trouvée par ce forum, si on voit déjà que plusieurs chefs d’Etat ne participent pas ?", s’est interrogé un diplomate occidental sous couvert d’anonymat. Par ailleurs, de nombreuses questions restent encore en suspens concernant cette force, notamment ses effectifs - elle pourrait compter "4.000 hommes" issus de "pays africains", selon des chiffres cités précédemment par Kinshasa - et son financement. "La question du financement de la force reste une question fondamentale qu’il faudrait aborder rapidement", a souligné Thierry Vircoulon. La CIRGL a demandé à ses ministres de la Défense de se retrouver à nouveau rapidement pour travailler à "l’opérationnalisation de la force internationale neutre, en vue de la déployer dans un délai de trois mois". Un autre sommet de l’organisation, qui compte 11 pays, est prévu dans un mois.

 

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