Burundi : L’ ?re d’un choix entre la d ?mocratie consociative et la d ?mocratie majoritaire. Rapport d’observation de la gouvernance durant la p ?riode de juillet ? novembre 2013

vendredi 27 décembre 2013,par Jean Bosco Nzosaba

L’état des lieux de la gouvernance pour le second semestre de 2013 présente des forces et faiblesses au niveau politique, économique, administratif et social. Concernant le pouvoir exécutif, certains faits ont montré un faible niveau de la bonne gouvernance. Le pouvoir exécutif a montré qu’il était peu ouvert au dialogue et à la participation des autres acteurs politiques. C’est notamment dans la prise des décisions d’envergure nationale qu’il a voulu gérer unilatéralement. On peut citer le projet de révision de la constitution, la reconduction du Président de la CNTB, la décision de mettre fin au mandat du BNUB. Le projet unilatéral de révision de la constitution émanant de l’Accord d’Arusha conclu après plus de dix ans de guerre civile et des violences politiques et identitaires est le plus emblématique. En effet, l’Accord d’Arusha a été le résultat de plus de deux ans d’interminables négociations entre tous les acteurs politiques d’alors. Il est donc logique et évident que la modification, la révision ou même la rupture avec les résolutions prises à Arusha ne pourrait être en aucun cas l’œuvre d’un seul acteur politique fût – ce le parti majoritaire. Bien plus, le mandat du BNUB n’est pas l’affaire du seul Gouvernement. Or, le Gouvernement a déjà présenté sa position face au renouvellement du mandat du BNUB alors que la plupart d’autres acteurs considèrent plutôt que le BNUB est encore utile pour accompagner le Burundi dans la consolidation de la paix et l’organisation des élections apaisées, justes et transparentes prévues en 2015. Quant à la décision de reconduire Mgr Sérapion Bambonanire à la tête du CNTB, on constate que le Président de la République n’a pas tenu compte de la position de ses partenaires politiques dans le Gouvernement notamment le parti UPRONA qui fustige l’action de la CNTB et de son président depuis qu’il est à la tête de cette commission. Alors que certains Burundais voient que la CTNB privilégie beaucoup plus les rapatriés que les résidents au lieu de réconcilier les deux parties en conflit, on aurait logiquement pensé que la reconduction du Président aurait été suffisamment concertée pour avoir des personnalités consensuelles à la direction des organes chargées de réconcilier le peuple burundais. Concernant le fonctionnement du parlement, l’Assemblée Nationale et le Sénat ont exercé leurs missions constitutionnelles, c’est – à – dire voter les lois et contrôler l’action gouvernementale. Cependant, on constate que pour le vote des lois, l’Assemblée Nationale semble ne pas accorder la même importance et la même attention aux projets de loi du Gouvernement. En effet, certains projets de loi viennent de passer plus d’une année à l’Assemblée Nationale sans qu’ils aient été étudiés. On peut citer le projet de loi sur la CVR et celui de transfert des compétences aux communes. Par ailleurs, concernant le contrôle de l’action gouvernementale, on constate que le choix des questions à adresser et à débattre pourrait être élargi car certaines questions préoccupantes ne rencontrent pas la même attention chez les représentants du peuple. On pourrait citer les tensions entre étudiants de l’Université du Burundi, les recrutements des assistants et maitres assistants à l’Université du Burundi, les commerçantes des pagnes du City Market, le dossier des déplacés de Ruhororo, l’évaluation de la mise en œuvre de l’accord d’Arusha, etc. Concernant le fonctionnement de la justice, l’organisation des Etats Généraux de la justice a finalement eu lieu. Si l’indépendance de la magistrature était la revendication primordiale et qu’aucun consensus n’a été dégagé sur cette question, au moins tous les problèmes cruciaux de la justice ont été discutés et redits. Quant à l’état des droits humains, ce semestre a été caractérisé par les sit – in des Omanais en quête de nationalité ou de statut d’apatride et des rapatriés de Mutambara devant les bureaux du HCR. Installés depuis 2009, ils ne cessent de demander à l’administration des parcelles de terre à cultiver en vain. L’autre caractéristique pour cette période fut la découverte du trafic humain dont sont victimes surtout les jeunes filles souvent amenées de force dans des pays lointains. Il y a eu également le refoulement de plus de 10.000 burundais de la Tanzanie et qui vivent dans des conditions très précaires. Concernant, les relations entre le Gouvernement et ses partenaires politiques et sociaux, on pourrait mentionner les relations entre le Gouvernement et les partis politiques, les relations entre le Gouvernement et la société civile et les relations entre le Gouvernement et les médias. Les relations entre le Gouvernement et les partis politiques ont été marquées par une certaine consolidation d’une culture de dialogue autour du processus électoral. En effet, depuis le mois de mars 2013, les acteurs politiques se sont déjà rencontrés plus de trois fois afin de bien préparer ensemble le processus électoral de 2015. Toutefois, il subsiste toujours un climat de méfiance et de suspicion et même une baisse de tolérance politique si on tient compte des comportements affichés sur terrain et parfois même des affrontements entre les jeunesses affilées à certains partis politiques. Bien plus, la reconnaissance d’un groupe de gens se réclamant issu des déçus de l’ADC – Ikibiri mais également l’exclusion d’éventuels prétendants au poste du Président de la République mais qui ne seraient pas détenteurs du diplôme de licence. Tous ces indicateurs sont révélateurs de la baisse de tolérance politique au Burundi au moment où les préparatifs du processus électoral de 2015 sont en marche. Les relations entre le Gouvernement et la société civile ont été caractérisées par l’implication de certaines organisations de la société civile dans la coalition contre la vie chère où le Maire de la ville a refusé la tenue d’une conférence publique pour ces organisations malgré le respect de toutes les procédures exigées en la matière. Il y a aussi la campagne « Ne touchez pas au consensus d’Arusha  » où les OSC ont envoyé une correspondance au Secrétaire Général des Nations – Unies afin de garantir le respect de l’Accord d’Arusha au Burundi. Quant aux relations entre le gouvernement et les médias, le point d’achoppement réside dans la promulgation de la loi n°1/ 11 du 4 juin 2013 portant modification de la loi n°1/025 du 27 novembre 2003 régissant la presse au Burundi. Les responsables des organisations des journalistes et des médias burundais et même internationaux trouvent que certaines dispositions de cette loi sont contraires à la constitution notamment la protection des sources. Or, si les journalistes demandent au Gouvernement d’élaguer ces dispositions anticonstitutionnelles et de la ré – analyser, le Gouvernement campe sur sa position et les journalistes sont décidés à attaquer devant la Cour Constitutionnelle ces dispositions et si la décision de celle – ci ne les satisfait pas, ils sont prêts à faire recours devant la Cour Africaine des droits de l’homme ou celle de la communauté Est – Africaine. Concernant la gouvernance économique, on a observé que la vie chère ne faiblit pas à cause de la hausse des prix des denrées alimentaires après la suspension de la mesure de leur détaxation. Bien plus, la perception de la corruption reste élevée si on tient compte des rapports établis par différentes organisations engagées dans la lutte contre la corruption (Indice Mo Ibrahim, ABUCO – Transparency International) au cours de ce deuxième semestre 2013. Toutefois, le climat des affaires au Burundi semble s’améliorer progressivement depuis 2009. Par ailleurs, après les promesses de financement des partenaires techniques et financiers du Burundi en octobre 2012 à Genève, les deux conférences sectorielles de suivi de ces engagements ont été organisées et leurs conclusions semblent encourageantes si le Gouvernement du Burundi met en œuvre les recommandations qui lui ont été formulées surtout dans le domaine de la bonne gouvernance, les droits humains et les libertés publiques. Concernant la gouvernance administrative, on a observé l’’amélioration progressive du cadre juridique de la décentralisation territoriale par la mise en place des outils guidant les modalités de la coopération intercommunale et la coopération décentralisée, c’est – à – dire avec les collectivités et les organisations étrangères. Il s’agit aussi de la mise en place du centre national de formation des acteurs locaux, désormais seul point focal en matière de renforcement des capacités des acteurs locaux. Concernant, la gouvernance sociale, on note la mise en place de la commission nationale de dialogue social qui pourra désamorcer les différents conflits entre le Gouvernement et les organisations socio – professionnelles. Il s’agit également, du lancement officiel de l’Ecole fondamentale malgré les problèmes de démarrage précipité. Ce deuxième semestre a été également caractérisé par de vives tensions entre étudiants de l’Université du Burundi à cause des divergences liées aux possibilités ou de rejet de candidature d’un étudiant à la présidence de leur organisation. Ces divergences ont fait échouer toute tentative d’organiser ces élections sans cet étudiant débouchant ainsi sur ces tensions qui enveniment le climat et la cohabitation surtout dans les résidences universitaires. L’enseignement supérieur a été aussi caractérisé par des tensions entre le personnel enseignant et la direction de l’Université du Burundi après le recrutement de nouveaux assistants et maîtres assistants opéré le 30 juillet 2013. Le personnel enseignant trouve que ce recrutement viole les textes réglementant cette institution alors que la direction de l’Université dit s’être conformée aux équilibres d’ordre ethnique, régional et de genre. Il convient de noter que les textes actuels organisant l’Université du Burundi n’ont pas prévu de quotas à la lumière de l’Accord d’Arusha mais ils sont centrés plutôt sur les principes de mérite et d’excellence. Dans le domaine de la santé, certains faits ont prouvé qu’il fallait rester vigilants sur la qualité des médicaments car liée à la sécurité physique des patients et de l’approvisionnement stratégique pour certaines maladies chroniques notamment la pénurie de l’insuline pendant quelques jours dans tout le pays. De même, on note une certaine professionnalisation dans les préparatifs de la campagne de distribution des moustiquaires imprégnés prévue au mois de février 2014.
PDF - 2.3 Mo

 

Copright © Observatoire de l'Action Gouvernementale (OAG)